Avant la prise du pouvoir par les Khmers rouges en 1975, le réseau des chemins de fer royaux du Cambodge (Royal Railways Cambodia), créé en 1952, comprenait de deux lignes à voie métrique : -
1. une ligne nord, qui reliait Phnom Penh au poste frontière de Poipet (km 381) ; construite par lAdministration française entre 1927 et 1933 (ouverte jusquà Pursat le 1er juillet 1932, Battambang le 1er décembre 1932, Mongkolborey le 1er juin 1933), elle avait été prolongée en 1940-42 vers la frontière thaïlandaise quelle franchissait pour venir se souder au réseau siamois en gare dAranya (km 390) ;
- une ligne sud, qui rattachait la capitale au port de Sihanoukville (km 236) ; établie entre 1960 et 1969 avec laide de lAllemagne fédérale, de la Chine et de la France,
Inaugurée en 1969, la ligne qui rejoint Kompong Som (ex Sihanoukville), principale fenêtre maritime du Cambodge, à la capitale Phnom Penh sinscrit aujourdhui dans le folklore local. Une seule voie pour parcourir 236 km à une vitesse de moins de 20 km/h pourrait décourager les humeurs impatientes. Mais en Asie, le temps, également, est exploité.
elle avait été fermée dès lannée suivante car trop exposée aux attaques des Kmers rouges.
Avant dêtre chassés en 1979 par larmée vietnamienne, ces derniers semployèrent à détruire systématiquement installations et matériels, ne laissant derrière eux quun réseau fantôme.
Rétablies dans les années 1980 entre Phnom Penh et Battambang au nord Sisophon en 1991 (en amont de Mongkolborey) afin de faciliter le retour des Cambodgiens réfugiés en Thaïlande et entre Phnom Penh et Kompong Som (ex Sianoukville) au sud, les deux lignes ont fait lobjet, depuis lors, dune exploitation à peu près régulière, bien que pendant longtemps encore soumises aux raids et exactions des hommes de Pol Pot.
En 1995, la France et la Banque asiatique de développement ont participé à la rénovation du réseau avec une aide respective de 2 et 4 millions de dollars. La désorganisation des années 1980 a laissé se développer (en toute illégalité) un type de transport original sous forme de « draisines » de toutes tailles, motorisées ou non, les unes ouvertes aux voyageurs, les autres aux marchandises, qui ont permis de pallier les insuffisances des chemins de fer. Une appropriation intempestive de linfrastructure ferroviaire (facilitée par le petit nombre de circulations) à laquelle le gouvernement entend mettre un terme à lheure où refont surface les projets dune ligne internationale unissant la Malaisie, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam et la Chine.
Cambodge: le rail a la vie dure
A l'aide de rares donations provenant de bailleurs de fonds internationaux, une poignée de cheminots tentent de réhabiliter un réseau ferroviaire dévasté par vingt années de guerre civile.
Le train est sur le quai. Immobile, sous un soleil matinal qui bientôt dardera les wagons d'une chaleur moite. Autour, les passagers en profitent pour acheter le casse-croûte de midi, le tout emballé dans des feuilles de bananiers tandis que les marchandises sont chargées dans le plus grand calme. Heureux rappel ou simple coïncidence, une vieille locomotive à vapeur est stationnée sur un tronçon abandonné depuis des lustres et puis d'un seul coup, c'est toute la gare de Phnom Penh qui transpire de vétusté avec ses murs jaunis par le temps, délavés par d'incalculables saisons des pluies. Les toits sont maintenant bondés de monde et le train démarre, en retard; comme d'habitude devrait-on dire.
Dix heures nous sépare de notre destination. Dix heures pour parcourir 263 kilomètres et rejoindre Sihanoukville, un port en eau profonde situé dans le sud du pays. Une halte est prévue à Kampot, bourgade de province tristement célèbre depuis que trois voyageurs, l'Australien David Wilson, le Britannique Marc Slater et le Français Jean-Michel Braquet on été capturés par des hommes de la 405ème division khmère rouge puis, après trois mois de détention, assassinés par leurs ravisseurs au mois d'octobre 1994. L'armée gouvernementale avait alors lancé une offensive qui s'était soldée par la prise du Phnom Voar, la montagne des lianes. Depuis lors, un train emprunte chaque jour le tronçon Sud, en toute sécurité, ce qui n'a pas empêché le gouvernement de coalition de prendre une mesure sans précédent en interdisant désormais l'accès des trains aux étrangers...
Si la guérilla a été décapitée dans le sud-est du pays permettant une correspondance journalière entre Phnom Penh et Sihanoukville, elle n'en demeure pas moins un véritable obstacle au développement du tronçon Nord, le second axe ferroviaire du Cambodge. De janvier à novembre 1995, seuls 8 convois ont ainsi pu faire la liaison entre la capitale et Battambang, la deuxième ville du pays, et ce malgré la présence systématique d'un commando de 20 à 30 hommes postés sur les toits des wagons mais...payés, il est vrai, 50 000 riels par mois (environ 20 dollars) pour assurer la sécurité des passagers. Un soutien moral car, tout le monde s'accorde à dire que dans les faits, leur efficacité est proportionnelle à leur salaire de fonctionnaire et dès que retentissent les premiers coups de feu...Bien plus que les embuscades, le problème majeur sur l'axe Nord auquel sont confrontés les Chemins de fer du Cambodge sont les opérations de sabotage orchestrées par des unités khmères rouges. Une tâche rendue encore plus facile par le nombre élevé de ponts, 175 au total, qui ponctuent les 397 kilomètres d'une voie ferrée en piteux état. Onze mois de travail pour 2 000 ouvriers et une aide financière de la France-2 millions de dollars-et de la Banque asiatique de développement-4 millions de dollars-ont ainsi été nécessaires pour remplacer 56 ponts et les 17 kilomètres de rails endommagés sur le tronçon Phnom Penh-Pursat, long de 166 kilomètres. Le 15 novembre 1995, le premier-premier ministre, Norodom Ranariddh, inaugurait, en grande pompe, la réouverture de ce tronçon...qui deux semaines plus tard voyait son trafic, à nouveau, interrompu. Les hommes de Pol Pot avaient encore frappé! "Au total, plus de 60 kilomètres de voie ferrée et 166 771 mètres de plate-forme ont été détruits depuis la fin du régime Khmer rouge (1978, ndlr), expose un Pich Kim Sreang qui se veut confiant en l'avenir, et comme si cela ne suffisait pas, des vols à grande échelle de matériel ont été signalés, sur le tronçon Poipet-Sisophon par exemple, où 47 kilomètres de rails se sont, ni plus ni moins, volatilisés dans la nature " . Outre la destruction des installations ferroviaires, l'autodafé des documents techniques, les Chemins de fer du Cambodge ont perdu tous leurs ingénieurs durant la campagne de purification organisée par les polpotistes tant et si bien qu "'à la libération " , seuls trois ingénieurs étaient encore en vie.
Il faudra ainsi attendre le début du mois de septembre 1996 pour que la ligne Nord entre à nouveau en service. "La restauration de cette portion de voie ferrée, située dans les districts de Mong Russei et de Sangké (province de Battambang) jadis détruite par les explosions de mines posées par les forces rebelles a duré trois mois " , indique Ly Borin, directeur des chemins de fer de la province de Battambang, qui rappelle également que le "tronçon Nord est le plus vétuste des deux lignes car il n'a jamais cessé d'être la cible privilégiée pour les Khmers rouges " . Conséquence, les voyageurs et autres transitaires de marchandises ont, au cours des deux dernières années, délaissé ce moyen de transport décidément trop risqué.
Elément moteur du développement économique du sud et du sud-est du pays, la ligne Phnom Penh-Sihanoukville connaît, pour sa part, un véritable essor avec une forte croissance du volume de marchandises. En 1995, la compagnie d'Etat a enregistré pour la première fois depuis vint ans une recette de 300 000 dollars en transportant, principalement sur la ligne sud, 50 000 tonnes de marchandises, 13 000 tonnes de bagages et 523 000 passagers. Visant à stimuler encore plus cette tendance, une circulaire interdit même, depuis l'année dernière, le transport de marchandises par voie routière pour les véhicules de plus de 25 tonnes, spectacle courant sur la Route Nationale 4, jusqu'alors principal moyen d'accès au port en eau profonde de Sihanoukville...Une mesure qui, dans les faits, n'est pas toujours appliquée. Pour Reth Boeun, vice-directeur du service exploitation au département des transports, "le problème réside principalement dans le déchargement des conteneurs à la gare de fret de Phnom Penh qui, par manque de matériel tels que des camions plate-forme ou des grues contraint le ICD (Inland Container Depot) à travailler très lentement " . Afin de palier à ces insuffisances, une société-mixte à capitaux public cambodgien et privés singapouriens a démarré, le 17 novembre 1995, des travaux visant à aménager une nouvelle zone de fret à quelques kilomètres de la capitale. D'une superficie de 16 hectares, la plate-forme de traitement de fret de Srok Sambor devrait permettre de stocker les conteneurs dès la fin de l'année 1996 et ainsi d'accroître le volume de marchandises transportées par voie ferroviaire.
En 1994, la société française Sofrerail avait fourni des pièces de rechanges pour les locomotives diesels Alsthom de 1 100 et
1 200 CV-Chevaux Vapeur-et les locotracteurs Renault de 200 et 450 CV dans le cadre d'une assistance internationale. Ce don du gouvernement français avait permis aux mécaniciens d'entretenir les 15 dernières locomotives diesel des Chemins de fer du Cambodge.
Philippe Abdelkafi
Chu thich anh:Les passasgers de Phnom Penh attendent le départ du train pour Sihanoukville.
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